» Point de presse du Ministre des médias du 19 septembre 2013 (RD Congo)

POINT DE PRESSE DU PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT (19 SEPTEMBRE 2013)

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I. DES POURPARLERS DE KAMPALA

Vous le savez, les pourparlers de Kampala ont repris depuis quelques jours suite à une demande informelle des Chefs d’Etat de la CIRGL. Je voudrais me soumettre aujourd’hui au devoir qui incombe à tout gouvernement en place dans ce pays de rendre compte sur ce qu’il fait au nom du peuple congolais. Dans le cadre de ces pourparlers, la RD Congo a pris une position qu’il importe d’expliquer.

Afin d’éviter l’éternel retour à la case de départ dans la spirale des violences récurrentes que subissent les populations congolaises à l’Est de la République, le Gouvernement s’en tient à quelques principes clairs dans les conclusions en gestation de ces pourparlers :

1) Les personnes qui ont participé à plus d’une mutinerie/ mouvement insurrectionnel ne sont pas éligibles au bénéfice d’une loi d’Amnistie ou à l’intégration dans les forces armées de la République ;

2) Il en est de même des auteurs présumés de crimes de guerre, crimes contre l’humanité, notamment les meurtres de civils, viols et violences sexuelles et des personnes responsables du recrutement d’enfants soldats ainsi que celles impliquées dans la chaîne de l’exploitation illicite des ressources naturelles de la RD Congo ;

3) Le respect des principes de l’Etat de Droit et de la volonté du souverain primaire qui s’est donné à travers les élections de 2006 et 2011 les institutions en charge du pays nous dicte de ne rien accepter qui puisse remettre en cause les actes régulièrement pris par lesdites institutions notamment les décisions des instances judiciaires et autres mesures disciplinaires prises par la haute hiérarchie des FARDC à l’encontre de certains membres desdites Forces ;

4) Dans le but de se conformer à la dynamique amorcée dans les pourparlers de Kampala particulièrement en matière de lutte contre l’impunité dans tous les secteurs de la vie nationale, les personnes indexées par des sanctions nominatives de la communauté internationale (Conseil de sécurité de l’ONU, Etats Unis…), tout comme celles indexées pour violation des droits humains (voir les dénonciations publiques, du Haut-commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme), ne peuvent non plus être concernées par une loi d’amnistie ou une intégration au sein des FARDC.

Tel est l’esprit dans lequel le Gouvernement de la RDC participe ce jour aux pourparlers de Kampala. Le Dr. Crispus KIYONGA, Ministre ougandais de la Défense et facilitateur de ces contacts en a été dûment informé pour le compte de la CIRGL. Faisant suite à la demande de la facilitation soutenue par l’Envoyée Spéciale du Secrétaire Général des Nations Unies pour la région des Grands Lacs, Madame Mary Robinson, et par le Représentant Spécial du Secrétaire Général pour la RDC, Monsieur Martin KOBLER, une liste d’une centaine de Commandants, assimilés et hommes de troupes du M23 définitivement non éligibles à l’intégration au sein des FARDC sur un total estimé à plus ou moins 1.700 personnes a été établie par le Gouvernement.

Ces personnes ainsi listées ont participé pour la plupart à plus d’une mutinerie ou mouvement insurrectionnel. La plupart d’entre elles ont été, avant leurs activités au sein du M23, ou auparavant le CNDP, ou les deux à la fois. D’autres encore, ont été actifs dans l’UPC qui avait sévi en Ituri ou dans quelques autres groupes armés actifs à un moment donné au Kivu et dans l’Ituri.

Cette liste établie par notre gouvernement met en outre en lumière quelques huit (8) cas de fraude à la nationalité dans le Chef d’activistes du M23 jouissant d’une nationalité étrangère, certains ayant même appartenu à des forces armées étrangères alors que la loi congolaise consacre jusqu’à ce jour le principe de la nationalité unique et exclusive.

Il va sans dire que tant que la Constitution congolaise n’aura pas permis la double nationalité, les personnes détentrices d’une autre nationalité ne peuvent prétendre à l’intégration dans les FARDC. Car la principale condition pour faire partie des forces régulières congolaises, c’est d’être Congolais. Or, en l’état actuel de la loi, on ne peut être Congolais et jouir dans le même temps d’une autre nationalité.

Se trouvent dans ce cas, un ex-Général, deux ex-colonels, trois ex-Lieutenant-Colonels et Majors qui s’étaient infiltrés au sein de nos forces armées à la faveur des opérations dits de brassage et de mixage.

La centaine des membres de la force négative M23 ainsi établie comprend également des personnes jugées et condamnées par nos Cours et tribunaux pour activités criminelles. Il s’agit de trois Colonels dont un condamné à la peine capitale et deux à la perpétuité en prison à Kinshasa et deux lieutenants colonels dont un s’est évadée.

Comme vous pouvez en convenir, ce serait un non-sens que d’intégrer des criminels condamnés par la justice dans les FARDC. Le signal envoyé à l’opinion publique dans une telle éventualité serait désastreux en ce qu’il contribuerait à cristalliser dans nos mentalités l’idée que le recours à la violence armée est un moyen légitime pour gérer des conflits d’intérêt.

Par ailleurs, il vous souviendra que l’Etat-Major Général des FARDC avait radié des rangs de l’armée nationale un certain nombre d’officiers pour faits d’indiscipline. A l’évidence, aucune parmi les personnes concernées par cette décision de la haute hiérarchie militaire n’est éligible à une réintégration au sein des FARDC.

Il en est ainsi des personnes indexées par des sanctions nominatives de la communauté internationale (Conseil de sécurité de l’ONU, Etats Unis d’Amérique…) ainsi que celles accusées de violation grave des droits humains (notamment par les rapports du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme) et dont les noms sont connus puisque stipulés clairement sur des listes publiées par les instances internationales. Compte tenu du fait que la commission avérée des actes de violation de droits humains est un motif d’exclusion de l’armée, ces personnes ne peuvent prétendre à la réintégration.

D’autres noms pourront suivre au cas où des précisions sur les situations individuelles parviendront au gouvernement.

En un mot comme en cent, le gouvernement de la RDC s’interdit toute chasse aux sorcières et n’appliquera donc pas le principe inique d’une responsabilité collective des membres du M23 quant aux crimes commis tout au long de l’existence de cette force négative. Le bénéficiaire de l’amnistie et de l’intégration au sein des FARDC feront l’objet d’un examen au cas par cas car il importe en même temps que chaque personne au sein de ce groupe armé assume la responsabilité de ses actes. C’est ainsi et ainsi seulement que nous pourrons combattre l’impunité et espérer établir une paix durable dans notre pays et dans la région des Grands Lacs.

II. DE LA PARTICIPATION DES GROUPES ARMÉS ET AUTRES FORCES NÉGATIVES AUX CONCERTATIONS NATIONALES.

Plusieurs voix s’élèvent au sujet de la participation ou non des groupes armés en activité, notamment le M23 et certaines autres milices de l’Est aux Concertations Nationales en cours.

Voici notre lecture de cette problématique. En partant de l’idée que les Concertations Nationales ont pour objet "la réunion de toutes les couches socio politiques de la Nation afin de réfléchir, d'échanger et de débattre de tous les voies et moyens susceptibles de consolider la cohésion nationale, de renforcer et d'étendre l'autorité de l'Etat sur tout le territoire national en vue de mettre fin aux cycles de violence à l'Est du pays », une certaine logique pousse certains parmi nous à plaider pour la participation de ces groupes armés à ce Forum.

Cette proposition qui se limite à la question de savoir comment on peut parler de paix et prétendre mettre un terme aux conflits armés à l'Est du pays sans impliquer les acteurs principaux que sont les groupes armés relève probablement du bon sens.

Je voudrais que tous ceux qui y réfléchissent fassent l’effort de prendre objectivement la véritable mesure non seulement de la tragédie que vit le peuple congolais depuis une quinzaine d'années pour se rendre à l'évidence de l’erreur fatale maintes fois réitérée qui a conduit aux impasses actuelles dans lesquelles nous nous débattons encore alors qu’autour de nous d’autres nations sont occupées à construire leur développement.

L'histoire récente de la RDC nous enseigne qu'à plusieurs reprises déjà et plus précisément en 2009, cet argument, de prime abord séduisant, a donné naissance à un antécédent des plus fâcheux : à savoir banalisation, que dis-je, l’officialisation de la violence des groupes armés comme moyen de régler les conflits d’intérêt dans notre pays.

Les groupes armés sont certes des acteurs dans la question sous examen dans la mesure où ils sont les vecteurs des violences et de l’insécurité à l'Est. Ils constituent dans le même temps une véritable plaie dont la RDC doit être guérie car force est de constater qu’au fil du temps ils se sont spécialisés dans l’art de monnayer la paix en échange de prébendes ou de positions de pouvoir qui leur permettent de crédibiliser le chantage qu’ils exercent sur l’Etat congolais. Un cercle vicieux.

La poursuite d'une telle banalisation de la violence par la reproduction du schéma de 2009 de conforte l'idée déjà fort répandue dans l'opinion publique selon laquelle les rébellions et la violence sont la voie indiquée pour faire une carrière fulgurante au sein des forces armées congolaises et/ou participer au processus politique en faisant l’économie d’une élection démocratique qui est pourtant depuis la promulgation de la Constitution de 2006, par la volonté du peuple, le seul moyen légitime d’accéder au pouvoir.

C’est dans l'intérêt supérieur de la Nation et pour fixer les fondamentaux de l’Etat de droit démocratique dans l’imaginaire collectif des générations actuelles et futures que le gouvernement a estimé nécessaire de tracer une ligne rouge à cet égard. Une ligne rouge qu’à notre avis nous ne devrions plus franchir. La RDC ne devrait plus se permettre de donner une prime à ceux qui prennent les armes, qu’ils agissent eux-mêmes ou qu’ils soient sponsorisés par des puissances étrangères pour verser le sang des Congolais. Plus jamais nous ne devrions procéder au recyclage d'une énième rébellion.

Le peuple congolais ne le comprendrait pas et ne nous le pardonnerait pas, surtout en ce moment où sur le plan militaire, nos forces régulières grâce à la détermination de leur Commandant suprême, sont montées en puissance sur le terrain. Imaginez un seul instant que ceux qui sont militairement défaits aujourd'hui deviennent demain les officiers pour commander ceux qui leur ont infligé cette déculottée. Il en est de même en diplomatie où la voix de notre pays pèse désormais de plus en plus. Quelle frustration dans le chef de nos vaillants diplomates si quelque criminel qu’ils avaient dénoncé était promu chef de Mission par le biais d'un tel passe-passe !

Le sang de nos martyrs, les souffrances et la résistance de nos frères de l'Est ne devraient plus passés ainsi par pertes et profits. On ne doit plus faire des trajectoires sociales ou sociologiques de nos interlocuteurs.

Les Concertations Nationales sont un lieu de rassemblement contre l’agression et la balkanisation du pays. Elles ne doivent pas se transformer en un exercice de sacralisation des crimes et de l'impunité. Le tribunal de l'Histoire nous condamnerait.

Certes lorsque l'on cherche une solution à un problème de société, l'on fait généralement appel à des témoignages et des expériences positives. Un débat sur la lutte contre la criminalité par exemple associera normalement des experts. Parfois, même des criminels repentis peuvent être mis à contribution à cet égard. Mais pas des voleurs ou des assassins encore actifs dans la délinquance.

Pourquoi dans le cas d'espèce les Congolais réunis en Concertations Nationales pour rechercher la paix à l'Est de leur pays devraient-ils être contraints de faire appel ou y associer des forces négatives encore actives et non repenties. Il nous semble que la sagesse recommande que les patriotes congolais en concertations élaborent au préalable entre eux l’approche méthodologique idoine pour l’encadrement des ainsi dits groupes armés actifs.

Un proverbe de chez nous dit que "l'on ne commence pas par violer une femme pour la demander ensuite en mariage". On n’associe pas non plus des violeurs à un séminaire consacré à la quête des solutions concernant les violences faites aux femmes !

Il ne s’agit pas ici de simple morale. Il s'agit de s'opposer à une présentation en blanc de la situation en évoquant uniquement des faits sans en nommer les protagonistes, les acteurs et demander un jugement sur ce point.

Par ailleurs, nous n’avons aucune garantie avons-nous qu'à l'issue des concertations où seraient associés les représentants des forces négatives en activité, on mettrait définitivement fin au cycle de violences à l'Est. Si tel était le cas, la RDC n'aurait plus été victime de rébellion à partir de mars 2009, lorsque le schéma fut largement sollicité. Même l'intégration des rebelles au sein du processus politique n'a pas donné les résultats escomptés.

On me rétorquera non sans pertinence que nous (Gouvernement) sommes déjà avec ceux que vous désignez ainsi à Kampala?

Il est vrai que le Gouvernement de la République a accepté d’ouvrir des pourparlers pour écouter le M23 à la demande de la CIRGL. Mais il s'agit ici de ne pas confondre les acteurs, la nature des négociations, les enjeux, les problèmes et les objectifs de fond.

À Kampala, il est question d'une recommandation des Chefs d'Etats membres de la CIRGL pour régler un problème régional, mettre fin à une agression étrangère dont l’auteur est un pays membre de la CIRGL (Rwanda) et la victime la RDC, les rebelles du M23 n’étant que les instruments de l’agresseur.

Alors qu'à Kinshasa, c'est une négociation interne initiée par le Chef de l'Etat pour rassembler les patriotes congolais de tous les horizons pour sauver l'Est agressé et martyrisé. Nous avons là deux niveaux qui ne doivent pas être confondus.

Le Gouvernement est favorable à la participation des anciens groupes armés qui ont cessé de tuer c'est-à-dire des repentis. Ils sont d’une grande utilité pour la recherche des voies et moyens de la pacification.

En définitive, aussi séduisante soit-elle dans la forme, l'idée d'une participation des groupes armés aux concertations nationales est une mauvaise chose dans le fond car elle enverrait un signal désastreux pour l’avenir de la RDC.

Ce serait un appel d'air à de nouvelles rébellions car la démonstration aura ainsi été faite: le raccourci pour une participation à la vie politique et pour une carrière de choix au sein des FARDC passe par la prise d'armes.

III. DIVERS : LE CAS DES FAUX DOCUMENTS DE L’ANR FABRIQUES CONTRE LA RDC

Il y a quelques jours éclatait une affaire honteuse de pratique maffieuse dans le chef d’un élu du peuple d’une circonscription du Bas-Congo. Député national de l’opposition, s’est fait établir une fausse convocation de l’Agence Nationale des Renseignements (ANR) prétendument adressée à sa propre épouse au mois d’août 2013. Avec la complicité du responsable local de ce service de sécurité, l’honorable Député voulait ainsi faciliter le séjour de cette dernière en Belgique où elle se trouvait déjà. Des informations supplémentaires de nos services renseignent qu’une partie de la famille du député, qui réside déjà à l’étranger, n’avait pu y régulariser sa situation que grâce à de telles pratiques frauduleuses qui entachent en même temps l’image et la réputation de l’Etat que le législateur est sensé servir au sein de notre Assemblée nationale. Selon des sources proches du dossier, cet élu n’en est pas à son premier forfait, étant donné que sa vie publique semble bâtie autour d’un mythe de victimisation cousu de fil blanc, qui le présente comme un véritable gibier de la potence que serait la RDC. Un fait parmi d’autres illustre cette tendance de ce compatriote de l’opposition politique dans notre pays, comme beaucoup d’autres de ces collègues d’ailleurs : au début de mois d’août dernier, la presse paraissant à Kinshasa annonçait dramatiquement qu’il avait été agressé par des hommes armés dans sa résidence au Bas Congo. Des hommes armés auraient attenté à sa vie, selon ses propres explications. Des assaillants qui auraient réussi à incendier une partie de ladite résidence à l’aide de cocktails molotov. Il y a lieu aujourd’hui de s’interroger sur la véracité des faits rapportés par un homme qui n’hésite pas à se servir d’agents commis à la sécurité du pays pour se procurer de faux documents destinés à répandre aux quatre vents la fausse impression d’une persécution systématique sur sa personne et sa famille. Parce que si on peut se procurer des documents émanant de services aussi sensibles que l’ANR, il est loisible de penser qu’on peut aussi se procurer des lanceurs de cocktails molotov contre soi-même.

Le gouvernement de la République déplore ce comportement de la part d’un représentant du peuple parce qu’il n’honore pas la dignité de cette haute fonction. C’est ici aussi l’occasion d’attirer l’attention de la presse sur la nécessité de soumettre au crible de la critique objective les informations à porter à la

connaissance de l’opinion pour ne pas l’induire en erreur, pour ne pas désinformer. Parce qu’on peut se demander, à la lumière de ces révélations sur de pareilles pratiques avilissantes, dans quelle mesure certains membres de la presse n’ont pas contribué à véhiculer des informations fabriquées de toutes pièces pour abuser l’opinion tant nationale qu’internationale comme ces mythes de politiciens persécutés imaginé pour régler des problèmes sociaux ou de visibilité politicienne. Mais aussi dans quelle mesure la presse n’a pas contribué au façonnage de l’image exécrable qui est donnée de la République démocratique du Congo sur base de pseudo témoignages répandus avec autant de légèreté sur la situation des droits de l’homme dans le pays.

Je vous remercie.

Lambert MENDE OMALANGA
Ministre des Médias, chargé des Relations avec le Parlement et de l'Initiation à la Nouvelle Citoyenneté,

Porte-Parole du Gouvernement